La République des autoroutes

Héritages et devenirs des raccords autoroutiers et des territoires périurbains traversés

Le cas de la métropole Aix-Marseille Provence

Thèse de doctorat de Gabriele Salvia financé par la Région PACA sous la direction de S. Hanrot et R. Borruey, co-encadré par G.Delalex

Ecole doctorale  « Espaces, Cultures et Sociétés » – ENSA Marseille – Département de la Recherche en Architecture – Laboratoire Project[s]

En France, comme dans la plupart des pays industrialisés, la production massive d’autoroutes urbaines et périurbaines entre les années 1950 et 1970 a généralisé la contradiction entre la sphère de l’habitat et l’univers standardisé de la circulation rapide. Ayant été planifiées par l’État pour relier des villes dispersées dans un territoire principalement rural, « les autoroutes de la République » traversent désormais des tissus hétérogènes : agrégats de résidences, de lotissements pavillonnaires, de terrains agricoles, de zones productives et commerciales. On constate ainsi l’émergence d’une véritable « République des autoroutes », un territoire fondé à partir d’un statut réglementaire et sur des modes de gouvernance qui établissent l’autonomie de l’autoroute par rapport aux milieux traversés et qui en déterminent les formes et les usages. 

Plan, coupe et fonctions autour de l’A7 à Marseille au niveau de la rue Kleber (droite) et de l’A51 à Plan de Campagne au niveau de la sortie autoroutière (gauche)

Dans ce contexte, comment l’autoroute façonne-t-elle le paysage et l’habitat et influence-t-elle la manière d’aménager ces territoires ? Comment ces autoroutes -héritages des années glorieuses- évoluent-t-elles dans leur dimension territoriale ? Pour répondre à ces questions, cette thèse propose d’explorer deux pistes de recherche. Premièrement, une enquête de terrain menée au sein de la métropole Aix-Marseille- Provence -aussi dite «métropole autoroutière » (OCDE, 2012)- vise à appréhender les relations entre les territoires périurbains et l’infrastructure en termes de formes, d’usages et de gouvernance. Deuxièmement, la thèse a pour objectif de comprendre les héritages et les processus de transformation en cours de l’interface autoroute-territoire par une recherche historique et prospective, interrogeant à la fois les projets et les représentations du territoire. L’autoroute apparaît ainsi comme un puissant révélateur des paradoxes, des conflits et des injustices socio-spatiales qui caractérisent les territoires urbains et périurbains. Alors que les milieux urbanisés se diversifient et se densifient autour des infrastructures existantes, le statut d’autoroute continue à préconiser des solutions techniques, produisant des paysages génériques -écrans acoustiques, affichage publicitaire, etc.- et des « espaces de la nuisance » -talus, sous passages, espaces résiduels, etc.

Effets des dispositifs de protection acoustique sur la perception du paysage depuis l’autoroute. Le schéma montre la situation actuelle des écrans aux Aygalades (a), son remplacement par un merlon planté (b) et la suppression du dispositif (c).

Coupes schématiques des interfaces autoroute-territoires habités dans le lotissement des Vergers-Amandiers (a), dans la résidence Les Aygalades (b), à la Delorme (c), dans le lotissement les Ormeaux (d) et dans les Castors de Servières (e).

L’autoroute semble ainsi en décalage avec les objectifs des politiques urbaines actuelles, promouvant plutôt le « développement durable » et la « transition énergétique ». Mais précisément du fait de cet écart, du passé auquel elle renvoie et du goût de l’anachronique qu’elle symbolise, l’autoroute apporte un éclairage substantiel pour saisir notre temps et questionner son avenir.

Le consumérisme paysager, le nuisible, la ruine, l’inhabitable…autant de figures du paysage perçu depuis l’autoroute entre Marseille et Aix-en-Provence