Les sommets du réemploi
Mobilités et programmations innovantes en montagne
Mention « Mobilités durables » au concours d’idées « La Cité des ascensions durables » (2020)
Equipe Tiers-Lab : Marion Serre, Gabriele Salvia et Mirella Caccia Kostovic
Les territoires de montagne font actuellement face à un défi majeur : le changement climatique. D’ores et déjà, de nombreuses stations sont durement frappées et certaines ont dû fermer, faute de neige. A titre d’exemple, les stations de Céüse (05), Saint-Honoré 1500 (38), Mourtis (31) et bien d’autres ont été désertées : les remontées mécaniques et les bâtiments sont abandonnés.
Il apparait donc urgent1 de réorienter le développement économique de ces territoires en expérimentant d’autres modèles que ceux fondés sur la monoculture touristique et en renouvelant les modes d’habiter de ces territoires. Dans cette perspective, nous explorons le réemploi comme un levier d’action pour la régénération sous deux angles : 1) réinventer les mobilités quotidiennes et touristiques en changeant l’usage des remontées mécaniques abandonnées et 2) imaginer des programmations innovantes pour réactiver les bâtiments vacants.
Pour cela, nous avons choisi un territoire-test : Briançon (05) faisant partie du Plan Action Coeur de Ville et ses vallées. Sachant qu’un plan de mobilité à l’échelle de la communauté de communes est en cours, le projet que nous proposons pourrait nourrir ces réflexions pour l’aider à faire face au changement climatique par la mise en place de dispositifs d’ascension durable à trois échelles : le territoire, les villes et les bâtiments.
En montagne, la mobilité constitue un enjeu phare. La topographie et la faible densité sont un frein au développement des mobilités douces : les déplacements se font donc principalement en voiture. De plus, une grande partie des villages et hameaux est isolée, se trouvant en dehors des axes routiers passants. Pour faciliter les déplacements quotidiens mais aussi contribuer à la diversification du tourisme, nous proposons deux principes d’ascension durable : les ascenseurs valléens et le cyclocable communal.
Des ascenseurs valléens pour régénérer les hameaux
La vallée de la Guisane part de Briançon et traverse plusieurs stations de ski : La Salle les Alpes, Serre-Chevalier, Monêtier-les-Bains… Un projet de voie douce est actuellement porté par la communauté de communes pour favoriser les déplacements à pied et à vélo entre ces stations. Cependant, les villages et hameaux en surplomb restent isolés et mal connectés au réseau de mobilité territoriale.
Pourtant, ces villages représentent un potentiel. Dans la perspective d’une diversification touristique, ils recèlent d’un « petit patrimoine » méconnu (anciens lavoirs, moulins, fours…) qui mériterait d’être revalorisé et rendu accessible. Certaines de ces communes sont force de proposition pour renforcer leur attractivité : il existe effectivement un réseau d’équipements socio-culturels qui ponctue la vallée (cf. lieux de culture sur le plan relief). Nous proposons de connecter ces hameaux à la voie douce par un système d’ascenseurs valléens, fondé sur le réemploi des remontées mécaniques. Elles facilitent les déplacements des habitants, mais donnent aussi l’occasion aux touristes de visiter les richesses méconnues, d’accéder aux chemins de randonnée et parcours VTT.
Un cyclocable communal pour relier les quartiers
A l’échelle des villes, la forte topographie sépare les quartiers : cela renforce l’usage de la voiture et pénalise les déplacements des personnes fragiles (séniors, personnes à mobilité réduite). C’est le cas de Briançon dont ville haute et ville basse sont séparées par une montée de 600 mètres de long : l’avenue de la République, qui conduit à son centre historique, la Cité Vauban.
Nous transformons un téléski en cyclocable et y associons un tapis roulant initialement utilisé pour les pistes de luge. De cette manière, chacun peut remonter la pente sans difficulté et accéder aux équipements qui ponctuent l’avenue jusqu’à la Cité Vauban.
Un tiers lieu solidaire pour revitaliser le centre ancien
Comme de nombreux centres anciens, la Cité Vauban compte de nombreux bâtiments vacants. D’un côté, la vacance alimente les représentations négatives du quartier mais, de l’autre, elle crée l’occasion d’inventer de nouveaux programmes et de renouveler les modes d’habiter des centres anciens. A l’heure actuelle, différentes initiatives ont vu le jour dans la Cité, comme un habitat partagé et un coliving -une auberge pour les télétravailleurs.
Dans la continuité de ces projets, nous transformons l’ancienne bibliothèque en tiers lieu solidaire « Chez Albert ». Ce projet est le fruit d’une année d’ateliers participatifs avec les citoyens et la municipalité. Il bénéficie du soutien de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, de la Banque des Territoires et de la Fondation Orange. Nous en avons co-conçu la programmation avec les citoyens et la municipalité, fondée sur l’inclusion par le numérique (bibliothèque, ludothèque, fablab, artistes, coworkers).
L’enjeu de ce projet est double. A l’échelle territoriale, il s’agit de renforcer l’attractivité résidentielle du centre ancien et ainsi lutter indirectement contre l’étalement urbain. A l’échelle du bâtiment, il s’agit de démontrer qu’une rénovation écologique facilitant l’accessibilité dans l’ancien est possible.