CAPA.CITY Building

La construction des compétences, un processus clé pour renouveler le périurbain

CAPA.CITY est un projet de développement expérimental et d’innovation coordonné à l’échelle européenne par l’université de Hasselt (Belgique) et coordonné en France par le Lab InVivo (LIV), visant à élaborer un cadre théorique et opérationnel pouvant aider à renforcer les capacités collectives nécessaires à la mise en oeuvre d’innovations durables dans les espaces périurbains. Il associe trois structures universitaires -l’école d’architecture Marseille (Unité de Recherche Project[s]), les universités de Hasselt (dir.) et de Roskilde- et deux autres entreprises –l’agence de design belge Openstructure et le collectif Danois Givrum. Le projet a commencé en avril 2017 et a duré 36 mois. Il a bénéficié d’une aide ANR de 114 500 euros (LIV et ENSA-Marseille), pour un coût global de l’ordre de 660 500 euros.

Des espaces périurbains en transition 

L’habitat individuel est le mode de vie privilégié des Européens. La filière diffuse et celle du lotissement peuvent alimenter l’étalement urbain ou, sur des fonciers interstitiels ou subdivisés, être des outils pour faire la ville sur la ville. En périurbain élargi, la création de terrains à bâtir est à la fois importante et contraire aux impératifs d’intensification. Près des coeurs de ville, la production de terrains et de logements neufs sur des terrains déjà bâtis peut alimenter une offre nouvelle non génératrice d’étalement urbain, en rejoignant les aspirations de ceux qui souhaitent se loger comme celles des habitants en place. La difficulté à mobiliser des fonciers en quartiers constitués appelle une montée en compétence des habitants, dont l’initiative reste une clé d’activation des gisements concernés. Le périurbain apparait comme un ensemble d’espaces en transition, dans la forme et dans les mentalités. Comment relever les défis de cette transition ? Le périurbain peut-il être la base d’écosystèmes urbains dans lesquels hommes et nature cohabitent durablement ? Faute d’efficacité des injonctions législatives, il est nécessaire d’expérimenter d’autres logiques de projet.

Le travail à l’échelle du lotissement : scenarii de densification du lotissement de la Clairnande en fonction des differents reglementations prevues par le PLU

La construction de compétences au service du projet de renouvellement

Dans le cadre du programme de recherche européen CAPA-CITY des équipes de trois pays différents (France, Belgique et Danemark) interrogent les processus de construction de compétences (capacity building) comme des leviers d’action pour accompagner la transition des territoires périurbains en des écosystèmes urbains soutenables. L’hypothèse est que l’une des conditions primordiales pour envisager ces transformations reposerait sur la construction de compétences collectives, partagées entre les acteurs institutionnels, les professionnels de l’urbain et les habitants. Pour mettre à l’épreuve ce questionnement, les équipes de recherche expérimentent dans chaque pays la création d’espaces de négociation et d’apprentissage mutuels entre des intérêts individuels, des intérêts collectifs et des intérêts communs, de manière à ce que les compétences individuelles et collectives des différents acteurs (habitants, professionnels, institutionnels) soient connues, reconnues et mises au service les unes des autres (Berry-Chikhaoui & Deboulet, 2000 ; Callon & al., 2001 ; Nez, 2015).
En France, deux processus de recherche-action ont été menés. L’un s’inspire de la démarche d’urbanisme BIMBY (Build In My Back Yard) pour activer une offre foncière diffuse en quartiers constitués et répondre à des enjeux démographiques dans la ville centre d’une agglomération. L’autre analyse les effets de la loi ALUR sur des espaces périurbains soumis à une forte pression foncière.

Ateliers collectifs avec les habitants du lotissement de la Clairnande au Pont de l’Arc (Mai 2018)

Une recherche dans le lotissement de la Clairnande à Aix-en-Provence

Les équipes de recherche du LIV et de l’ENSA-M ont investigué des terrains d’étude faisant face à des problématiques différentes, mais tous deux propices à l’expérimentation de processus de densification douce, à l’initiative des habitants et orchestrées par la collectivité publique. 

• En offrant aux propriétaires de parcelles bâties d’habitat individuel la possibilité d’interagir avec les chercheurs du LIV et de devenir maîtres d’ouvrage de projets de création de logements en quartiers existants en suivant de multiples scénarios (détachement de terrains à bâtir, création de locatif sur sa parcelle en réhabilitation ou en neuf, transformation d’usage de locaux d’activités désaffectés), la Ville a contribué à la création par les habitants d’une offre de logements désirables et biens situés (Miet & al., 2013) qui arrive au premier rang de la production nouvelle dans un contexte d’absence de foncier disponible en extension urbaine et d’enjeux forts de maintien démographique.

• En créant une offre de coeur de ville diversifiée et très désirable, les habitants prenant part à l’expérimentation ont changé sensiblement les représentations liées aux quartiers anciens et à la vie en ville, pour les acquéreurs et locataires des logements créés, pour le grand public témoin de la transformation des quartiers, mais aussi pour eux-mêmes, avec une révélation du potentiel de transformation de leurs biens, la capacité à conjuguer création de nouveaux logements et reconfiguration de leur logement actuel, mais aussi l’établissement de nouvelles relations de voisinage, la beauté des réalisations et la capacité de leurs porteurs à s’assurer la bienveillance des voisins étant parmi les clés du processus. Ces notions de « désir » et de « beauté », éloignées des considérations techniques et scientifiques, sont pourtant au centre des approches habitantes, et sont des clés pour activer la transformation des quartiers existants là où des vocables comme « densification » ou « intensification » peuvent être des freins dans le dialogue.

• En menant l’expérimentation aux côtés des habitants, de la Ville, des professionnels locaux et des nouveaux occupants des logements créés, le LIV a prototypé de nouveaux métiers de l’architecture et de l’urbanisme.

Le travail à l’échelle du quartier : diagnostic partagé élaboré lors de s ateliers collectifs à la Clairnande (Mai 2018)

En collaboration avec le LIV, l’équipe de recherche de l’ENSA-M a prolongé la démarche BIMBY en explorant le cas particulier des lotissements gérés par des Associations Syndicales Libres, caractéristiques des contradictions pouvant exister entre le droit privé (règlement intérieur) et le droit public (PLU). Le lotissement-test choisi (La Clairnande, à Aix-en-Provence) se situe dans un contexte marqué par l’injonction à la densification (ALUR, 2014). L’enjeu consistait à explorer des solutions alternatives à la densification lourde impulsée par les promoteurs immobiliers et l’opposition systématique des habitants à toute modification de leur cadre de vie.

Le travail à l »échelle de la parcelle : scenari de densification élaborés avec les habitants du lotissement de la Clairnande en fonction de leurs projets de vie possibles